Je ne sais rien de mes parents biologiques. Trois jours après ma naissance, ma mère m'a déposé devant l'orphelinat d'Edimbourg. Elle ne m'a laissé ni lettre ni rien du tout. Elle ne voulait pas de moi, elle préférait m'abandonner. Enfin, c'est ce que je crois. ✰ En réalité, ma mère était une adolescente de seize ans, qui avait eu une relation avec son professeur de huit ans son ainé. Pour elle, c'était une histoire d'amour, elle l'aimait. Pour lui, elle n'était qu'une élève parmi tant d'autres. Lorsqu'elle lui a annoncé pour le bébé, il a pris la fuite et lui a demandé d'avorter. Ma mère ne pouvait avorter, mais pour ma famille catholique, c'était un pêché. Seule solution : m'abandonner. ✰ Je suis resté deux ans dans l'orphelinat. Je ne me souviens pas de cette période. Puis, j'ai été confié à une famille d'accueil. N'allez pas vous imaginez une famille charmante, qui veut que le bonheur des enfants qu'elle accueille. ✰ Nous étions cinq enfants à vivre chez eux. Jusqu'à l'âge de sept ans, j'ai été épargné. Les plus grands nous protégeaient, mais vient un moment où pour le couple Harper, nous étions assez grands pour avoir nos corrections. Claque, coup de ceinture, privation de nourriture, enfermement dans la cave : rien n'était épargné. Je n'en ai jamais eu la preuve, mais M. Harper avait un petit faible pour les jeunes filles. ✰ Dès qu'ils avaient dix-huit ans, les enfants partaient. Comment leur en vouloir. À chaque fois, ils partaient et d'autres arrivaient. Pourtant, un soir de mes quatorze ans, je pris une grande décision. J'ai pris un sac de quoi, vivre quelques jours et je me suis enfui. ✰Le soir, où je suis parti, j'avais décidé de partir avec Alyssa. Elle était arrivée peu de temps après moi. Nous avions le même âge, et c'était ma meilleure amie. Je n'ai pas compté le nombre de fois, où j'ai pris les coups à sa place. Nous étions près à partir, lorsqu'au dernier moment, elle a eu peur et m'a supplié de rester. Je ne pouvais pas, je ne voulais pas d'une vie de coup, de blessure et de peur... Alors, je suis parti sans elle, sans même un regard en arrière. ✰ Je suis resté une semaine dans la rue. Je volais pour me nourrir et je dormais là où, je pouvais. Un soir, je me suis introduit dans une maison bourgeoise. J'avais vu le couple partir pour une soirée mondaine et j'en avais profité pour m'introduire dans la maison. Je voulais simplement prendre une douche, de quoi manger et peut-être dormir une heure ou deux. Je ne m'attendais pas à tomber sur une jeune fille d'un an ma cadette en pyjama, devant une série TV. ✰ Vous savez ce qu'il y a de plus surprenant dans cette histoire, c'est qu'elle n'avait pas peur de moi. Elle m'a laissé prendre une douche pendant, qu'elle me préparait à manger. Nous avons discuté un bon moment avant que je ne m'endorme sur le canapé, à bout de forces. Lorsque je me suis réveillé, ses parents étaient là... Et avant, que je puisse dire ouf : j'avais une famille, une maison, de l'argent et de l'amour. ✰Ils m'ont envoyé dans une école privée, m'ont inscrit à des activités extrascolaires. La seule chose à laquelle, je devais me préoccuper, c'est de vivre. Du jour au lendemain, je suis passé du garçon des rues, au beau gosse de la classe. Les filles me courraient après, j'avais des amis et j'étais plutôt bon à l'école. Une vie de rêve. ✰ J'avais dix-huit ans, lorsque j'ai eu mon premier malaise. C'était un mois avant mon entrée à l'université. Je jouais dans la piscine familiale avec ma petite soeur, lorsque j'ai commencé à me sentir mal. Le sol bougeait autour de moi, la lumière me brûlait les yeux et avant que j'aie pu m'asseoir, mon corps se retrouva coucher sur le sol.✰Le verdict fut sans appel. J'étais atteint d'une maladie génétique qui me tuait peu à peu. Un nom barbare. J'avoue ne pas vraiment avoir écouté le médecin. J'étais resté bloquer sur le fait que je n'atteindrais jamais les quarante-cinq ans. L'instant d'avant, j'étais un futur étudiant qui ne rêvait plus que de fête et d'une longue vie, et maintenant, mon espérance de vie venait de diminuer de moitié. ✰ J'avais toujours rêvé d'une grande famille. Je n'avais jamais connu mes parents, mais je voulais des enfants, que j'aurais aimés plus que ma propre vie, que j'aurais protégés même contre le monstre sous le lit. Je rêvais d'une femme que j'aurais épousée, aimé jusqu'à ce que je devienne vieux. Mais ce n'était que de beaux rêves. ✰ Pourtant, je ne peux me résoudre à laisser quelqu'un entrer dans ma vie. Ce serait égoïste de ma part de lui infliger ma maladie, alors, j'enchaîne les coups d'un soir. J'ai même essayé les hommes. Je ne m'attache pas, je passe pour l'enfoiré de service et ça me va. Pourtant, au fond, je ne peux oublier mon rêve d'une vie de famille. ✰ J'ai décidé de faire médecine. Je ne pouvais peut-être pas me sauver, mais je pouvais sauver les autres. C'est déjà un début, non?